SYMPOSIUM Archiver la performance : entre poétique artistique et politiques institutionnelles
Sans doute plus que jamais, les musées d’art contemporain ouvrent leurs portes à la performance, non seulement dans le cadre de leurs expositions, mais de leurs collections aussi, auxquelles ils les intègrent. Toutefois, l’inclusion de formes d’art qui n’existent qu’en vertu de corps vivants qui partagent un moment dans le temps et dans l’espace pose toujours des défis tentants, aussi bien aux artistes qu’aux institutions. Les infrastructures institutionnelles existantes sont principalement conçues pour la présentation et la conservation d’objets d’art, ce qui accroît la nécessité de repenser ces conditions si l’art de la performance devait un jour atteindre une place durable dans la production d’art contemporain ainsi que dans l’archivage des pratiques artistiques. Ce symposium réunira des artistes, des commissaires d’expositions, des chercheurs, des archivistes et des décideurs politiques pour aborder la question complexe de la manière d’archiver la performance, tant du point de vue artistique qu’institutionnel. L’objectif est de confronter plusieurs tensions fondamentales qui s’instillent dans l’archivage de performances en public dans des contextes muséaux (tels que des objets tangibles par opposition à des souvenirs incarnés, des collections matérielles par opposition à des architectures numériques, des politiques à l’approche descendante par opposition à l’approche ascendante, des contrats exclusifs par opposition à une gestion en accès libre, etc.) aux exigences et aux attentes spécifiques de la part de la production artistique. En discutant de ces questions à partir de perspectives et de contextes différents, le symposium veut offrir l’occasion de réfléchir à des méthodologies établies à l’égard de nouvelles possibilités imaginatives de collecte et d’archivage de la performance en public.
Le symposium comprendra une conférence par professeur Barbara Clausen (Université du Québec à Montréal), à la fin du jour. Il y a trois tables rondes, chacune consacrée à un thème spécifique et composée d’un·e artiste, d’un·e commissaire d’expositions et d’un·e théoricien·ne. Ils et elles sont invité·e·s à prendre pour point de départ la pratique de la performance de l’artiste pour engager une discussion sur certains des aspects les plus complexes de l’archivage de l’art de la performance dans les cadres institutionnels prédominants.
LA POETIQUE DES ARCHIVES
Trois ans après son exposition individuelle Contusion et Éclat (2015), la plasticienne et artiste de la performance Otobong Nkanga s’est adressée au M HKA pour examiner la manière dont ses performances en public pourraient entrer dans la collection du musée tout en assurant leur pérennité. Bien que les musées et les archives soient de plus en plus enclins à accorder une place structurelle dans leurs collections à l’art de la performance, celui-ci est encore trop souvent réduit à des formats rigides ou à des systèmes de catalogage préexistants qui finissent par dépouiller les œuvres de toute vie et les transformer en reliques réifiées. Nkanga a ainsi soulevé une question qui pourrait être pertinente pour l’archivage de la performance en général : comment la poétique de l’artiste peut-elle trouver son chemin vers la conservation archivistique des œuvres ?
- Otobong Nkanga
- Dr. Agnieszka Sosnowska (Polish Academy of Sciences)
- Chantal Kleinmeulman (Van Abbemuseum, Eindhoven)
LA POLITIQUE D’ACQUISITION DE LA PERFORMANCE
Lorsque le M HKA a acquis la performance Augenmusik (2016) de Katya Ev, l’artiste a fait don d’une copie de la documentation de l’œuvre qu’elle avait réalisée à Paris à cette époque, et a cédé au musée les droits de reconstitution de l’œuvre. Pour le musée, l’archivage d’Augenmusik représentait cependant un énorme défi : dans la mesure où la performance, créée in situ et présentée à plusieurs reprises, se rapporte à divers accessoires et représentations visuelles que l’artiste qualifie d’« œuvres d’art dérivées », il n’est pas évident de séparer « la » performance des autres instanciations de l’œuvre. La documentation ainsi que la reconstitution semblent perturber la division traditionnelle entre archives, collection et présentation publique, soulevant également des questions financières et juridiques pour les institutions qui souhaitent acquérir ce type d’œuvre. Comment pouvons-nous reconcevoir les infrastructures institutionnelles traditionnelles afin qu’elles deviennent plus flexibles et plus aptes à s’adapter aux singularités de pratiques artistiques spécifiques ?
- Katya EV
- Louise Lawson (Tate Modern, Londre)
- Dr. Toni Sant (University of Salford, Manchester)
LES ARCHIVES DE L’ARTISTE EN TANT QU’ENTREPRISE COLLECTIVE
La chorégraphie Birds (2021) de Seppe Baeyens a été créée par un groupe de performeurs professionnels et non professionnels d’âges différents qui invitent le public à danser avec eux dans l’espace public. Les performances participatives et la co-création collective deviennent des formats répandus dans les arts, soulevant la question de savoir si l’archivage des performances en public doit aller au-delà de l’adhésion à la singularité de l’artiste ou de l’œuvre. Si l’extension des archives par l’inclusion d’une pluralité de voix et d’une malléabilité de pratiques pouvait mettre sous pression les méthodes d’archivage conventionnelles, elle pourrait garantir la pérennité de l’œuvre. Comment pouvons-nous reconcevoir l’archivage de la performance comme une entreprise collective, et dans quelle mesure les technologies numériques créent-elles de nouvelles voies dans ce sens ? Comment (la reconstitution d’) une performance en public peut-elle être considérée comme une pratique archivistique en soi ?
- Seppe Baeyens et Martha Balthazar (Leon, Bruxelles)
- Dr. Annet Dekker (Universiteit van Amsterdam)
- Sezin Romi (SALT, Istanbul)
PRATIQUE
- Date: 16 mai 2022, 9h30-18h (HAEC).
- Location: Université d’Anvers – Stadscampus. Grote Kauwenberg 2.
Le symposium a lieu au auditorium C.204 (9h30-13h) and R.008 (14h30-18h). - Vous pouvez vous inscrire ici (gratuit).